Memoire ou l'on fait voir en quoi peut consister la preeminence de la medecine sur la chirurgie.

Desfontaines, Pierre-François Guyot, 1685-1745

Date:: [1737?]

Catalogue details

Licence: Public Domain Mark

Credit: Memoire ou l'on fait voir en quoi peut consister la preeminence de la medecine sur la chirurgie. Source: Wellcome Collection.

9/20 (page 9)

Quoi ! les Médecins prétendront être nos juges Ôc nos guides dansl’ufage de nos découvertes ? Nous n’aurons donc travaillé que pour étendre leur empire? Tandis qu’ils volti¬ gent, pour ainfi dire, de maifon en maifon 5 Tandis qu’ils ne font occupés que de l’art de s’infinuer dans l’efpnt des Ma¬ lades Ôc de les éblouir par de beaux termes, nos travaux, nos découvertes deviendroient la proye de leur vanité, & Pinftrument même de notre abaiffement? Suppofons qu’un Chirurgien , plein de la leêture des an¬ ciens ôc des modernes , foit le témoin de nos opérations ; fuppofons en même tems qu’il n’ait que de la théorie ôc qu’il n’ait jamais exercé notre Art s fi un tel Chirurgien vouloir être le guide de nos Maîtres > ôc dominer leur expérience * quelle idée fe formeroit-on de fes abfurdes prétentions? Vous êtes doête , lui diroit-on, vôtre efprit eft orné, vos études vous ont appris l’écorce de l’Art 5 mais le fond eft un mi fiers pour vous ; vos mains ne vous ont jamais ouvert ce dédale : ce n’eft qu’en y entrant, ce n’eft qu’en le vifi- tant » qu’en le parcourant foigneufement durant bien des années , que vous en pourrez connoître les détours : vous n’êtes qu’un fpedateur 5 11 vous eft impoffible de diriger une opération difficile , que vous n’avez vue qu’en fpéculation , ôc que la pratique feule pourroit vous enfeigner : vous reffem- blez à ces Anatomiftes inftruits par les Livres feuls ; peu¬ vent-ils donner des leçons à des hommes ,qui ont vu mille fois, non en figure, mais en réalité, ôc qui ont paffé leur vie à difféquer, à reconnoître de leurs propres yeux , ôc à ana- lifer toutes les parties du corps humain? Telsfibnr les Médecins les plus verfez dans la Chirurgie ; ce font des Chirurgiens fpéculatifs. Si le Public ne troublant point leur repos, leur laifie affez de tems pour méditer fur la Chirurgie , ce font de vaines méditations , parce qu’ils réfléchiffent fur ce qu’ils fuppofent , ôc non fur ce qu’ils voyenr. Si auj contraire le Public les occupe > la Chirur¬ gie, qui n’eft point leur objet , peut-elle leur être connue, même en fpéculation ? Ils ne peuvent donc jamais connoître les fecrets, ni fentir les difficultés de notre Art ; parce que ce n’eft que par les yeux ôc par les mains > que ces fecrets ôc ces difficultés paffent dans i’efprit.